Place à une nouvelle ère de déconnexion entre marchés financiers et économie réelle
CONTEXTE
Ce qu’il s’est passé :
Les fondamentaux n’ont jamais été si bien orientés depuis de longs trimestres, et cela partout dans le monde. La croissance du PIB mondial devrait atteindre +6% (contre +5,5% pour les projections initiales du FMI en janvier dernier). Dans le détail, sont attendus :
- +6,7% pour les économies émergentes en 2021, avec +8,4% pour la Chine et +12,5% pour l’Inde,
- +6,4% aux Etats-Unis, contre +5,1% attendus en début d’année,
- +4,4% en zone euro, malgré une contraction initiale beaucoup plus sévère qu’ailleurs dans le monde.
Si cette vigueur est vraie en termes de perspectives macro, avec de très nombreuses révisions à la hausse en lien avec un soutien indéfectible des gouvernements (eux-mêmes financés par les Banques Centrales), cela est également le cas en termes de perspectives microéconomiques avec une saison de publications fantastique, en particulier aux USA. Nous vous invitons d’ailleurs à ce sujet à consulter la vidéo que nous avons réalisée sur le sujet:
A plus long terme, nous estimons toutefois que les attentes sont désormais trop agressives, que ce soient celles des analystes financiers pour les années à venir (2022 & 2023), ou celles des investisseurs à travers des niveaux de valorisation extrêmement tendus et des rendements des actions sous-tendant des progressions bénéficiaires inatteignables une fois l’effet de base positif (lié à la crise) effacé et au regard des niveaux de croissance potentielle que nous anticipons.
C’est la raison pour laquelle nous estimons que nous pourrions entrer dans une nouvelle ère de déconnexion entre une économie réelle flamboyante et des marchés actions stagnants (à l’inverse de ce que nous avons connu l’année dernière : une économie réelle aux abois et des marchés actions très bien orientés).
Nos prévisions :
En sus des facteurs de risque déjà listés le mois dernier, nous en ajoutons désormais un nouveau : la dynamique actuelle du prix des matières premières, susceptible de gripper le rythme de la reprise.
- Si nous ne croyons pas à un retour durable de l’inflation, c’est-à-dire à une inflation de second tour liée à une hausse généralisée des salaires, la remontée brutale des prix des matières premières à court terme pourrait enrayer la bonne dynamique de reprise actuelle. Les prix du bois sont l’exemple parfait, ces derniers étant passés de 200$ à 1600$ en un an seulement. Or nous estimons que ni les ménages ne disposent d’un pouvoir d’achat suffisant pour y faire face ni les entreprises d’un pricing power suffisant permettant de protéger leurs marges.
- Outre cet élément, les tensions entre les Etats-Unis et la Chine ne se sont pas taries avec l’arrivée de Joe Biden. Au contraire, si le président démocrate est plus policé que son prédécesseur, il n’en est pas moins agressif. Elément nouveau, les Etats-Unis semblent désormais suivis par d’autres comme l’Union Européenne ou l’Australie dans leur volonté de remettre de l’équité dans les règles du jeu commerciales. Cela pose les jalons d’une prime de risque géopolitique défavorable aux actifs risqués, d’ici le second semestre.
- Enfin, les velléités de durcissement fiscal de la part de l’administration Biden (mais aussi suggérée par le FMI) avec une hausse du taux d’IS et le doublement des taux pour les multinationales réalisant des profits à l’étranger (de 10,5% à 21%) pourraient constituer un véritable « game changer ». Si ces prises de position devenaient effectives, il serait illusoire d’espérer que les taux de marge des entreprises américaines se maintiennent au niveau actuel, entrainant inévitablement des déceptions sur le front de la microéconomie.
Vous l’aurez compris, si nous restons relativement optimistes à court terme, nous restons sur nos gardes, dans un contexte où les niveaux de valorisation des actifs risqués n’autoriseront pas de faux-pas.
ALLOCATION TACTIQUE
Pas de changements à court terme, mais révisions à la baisse de nos perspectives à 6 mois.
ACTIONS : Maintien de la neutralité sur les actions, hormis en Europe
La thématique du moment sur les marchés actions reste la saison de publication de résultats pour le 1er trimestre 2021 qui se termine aux Etats-Unis. Et le moins que l’on puisse dire est que la microéconomie a été particulièrement bien orientée en ce début d’année. Sur près de 90% des sociétés du S&P 500 ayant publié, 86% d’entre elles ont surpris positivement par rapport aux anticipations, ce qui constitue un record historique ! La croissance bénéficiaire devrait atteindre +49% au T1, contre seulement +24% attendu fin mars, illustrant bien la puissance du momentum bénéficiaire en cours et expliquant la résilience actuelle des marchés. Dans le détail, ce sont les secteurs les plus pénalisés l’année dernière qui affichent les plus fortes progressions, avec la consommation cyclique (+200%) et les financières (+140%), portés à la fois par le recovery déjà bien avancé aux US et par de fortes reprises sur provisions. Pour le T2, les attentes sont encore plus élevées avec +59% attendus (portés par les secteurs les plus cycliques) portant les anticipations sur l’ensemble de l’année 2021 à +33%, contre seulement +25% fin mars. En Europe, le rebond devrait atteindre +39% cette année, ce bon chiffre étant toutefois très loin d’effacer la chute de -32,6% de l’année dernière, au contraire des entreprises américaines.
Les marchés n’ayant toujours pas consolidé depuis de nombreuses semaines, nous recommandons donc – comme le mois dernier – la neutralité sur les actions dans leur globalité, avec toutefois un bémol pour les marchés européens qui nous paraissent toujours légèrement « surachetés ».
OBLIGATIONS : neutralité globale, surpondérés sur les obligations américaines
Notre point de vue n’a pas changé depuis plusieurs mois en ce qui concerne les obligations : le soutien toujours massif des Banques Centrales rend une remontée importante et durable des taux souverains impossible. Nous vous invitons d’ailleurs à ce sujet à consulter la vidéo que nous avons réalisée en lien avec ce sujet en cliquant sur le lien suivant : Le retour de l’inflation ?
Comme évoqué depuis de nombreux mois, nous estimons que la remontée des taux et des perspectives d’inflation du début d’année ne durera pas, les investisseurs surestimant la capacité de rebond de l’économie réelle, dans un pays dans lequel le potentiel de croissance poursuit sa décroissance et dans lequel les ménages restent fragilisés avec un taux de chômage encore bien plus élevé qu’avant crise. Dans ces conditions, nous passons surpondérés sur les obligations d’Etat à 10 ans américaines qui rapportent au moment où nous écrivons ces lignes 1,6% par an (contre seulement 0,5% il y encore quelques mois).
Du côté des obligations d’entreprises (Investment Grade, à savoir une notation >= BBB), la tendance a été la même que pour les taux souverains. Nous renforçons également notre position sur les obligations d’entreprises aux Etats-Unis qui affichent un couple rendement / risque désormais intéressant, et restons neutres pour les autres zones géographiques.
Concernant les obligations High Yield, le spread a continué de se détendre. Même si l’effondrement conjoncturel que nous connaissons met en grande difficulté les émetteurs ayant une signature dégradée, l’interventionnisme des Banques Centrales et le nouveau vent d’optimisme sur les marchés pourraient permettre aux taux de se maintenir, voire de refluer légèrement. Notez toutefois que nous continuons de préférer les actions au High Yield pour charger du risque dans les portefeuilles, estimant le couple rendement / risque plus équilibré.
MATIERES PREMIERES : neutres sur les matières premières, neutres sur les métaux précieux
Un rapide point sur la dynamique actuelle du prix des matières premières, susceptible de gripper le rythme de la reprise. En effet, la spéculation sur les matières premières pourrait jouer des tours à la reprise économique, comme cela fut le cas en 2008… Le prix du bois a ainsi été multiplié par 8 en seulement un an… et pourrait rapidement freiner le marché de la construction outre-Atlantique, au moment où les taux se retendent légèrement. Autre indicateur signe d’une surchauffe, la corrélation entre la variation annuelle du prix du cuivre et l’indice PMI des nouvelles commandes dans l’industrie chinoise s’est terminée fin 2020 (cf. graphique en page 1). Cela illustre parfaitement le caractère hautement spéculatif de la hausse récente du prix des matières premières, qui pourrait entraver rapidement la reprise en mettant en difficulté les consommateurs d’une part, et générant des déceptions en termes de marges pour les entreprises dans les trimestres à venir.
GRILLE D’ALLOCATION RECOMMANDEE – PROFIL « DYNAMIQUE* » :
*Benchmark : 70% Actions / 30% Obligations
GRILLE D’ALLOCATION RECOMMANDEE – PROFIL « MODÉRÉ* » :
*Benchmark : 50% Actions / 50% Obligations
GRILLE D’ALLOCATION RECOMMANDEE – PROFIL « PRUDENT* » :
*Benchmark : 30% Actions / 70% Obligations
PERFORMANCE DES DIFFERENTES CLASSES D’ACIFS DEPUIS 1 MOIS :
AVERTISSEMENT
Ce document est exclusivement réservé à la clientèle de RHETORES FINANCE.
Il ne constitue en aucun cas un conseil d’achat ou de vente. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. Il n’existe pas d’actif garanti.
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