Point sur les dispositifs économiques de lutte contre les conséquences de la crise du coronavirus Covid-19
1. Le constat : un choc historique
La crise sanitaire globale du coronavirus Covid-19 va à n’en pas douter bouleverser durablement le monde dans lequel nous vivons. A court terme, les mesures de confinement mises en place dans la plupart des grands pays riches vont avoir des conséquences lourdes au niveau économique, puisqu’elles entrainent un choc colossal et simultané d’offre et de demande. Dans ces conditions, les décrochages en termes de croissance du PIB des grands pays riches seront historiques au second trimestre, pouvant dépasser des replis à deux chiffres. Ce choc inédit n’a pas manqué d’engendrer un stress inouï sur les marchés financiers, se traduisant notamment par un épisode de bear market sur les marchés actions, dont l’ampleur et la durée n’avait pas été observées depuis la crise de 2008 (voire la dépression des années 30).
Le risque d’entrer dans un cercle vicieux délétère n’est aujourd’hui pas nul. En effet, si l’arrêt brutal de l’activité entraine des cessations de paiement en chaine, la crise économique se transformerait inéluctablement en crise bancaire et financière, entrainant elle-même l’économie dans les abysses, une explosion du chômage et des tensions sociales à leur paroxysme.
Effet domino délétère
Dans ces conditions, l’enjeu majeur d’un point de vue économique est de rompre avec ce cycle au niveau des cessations des paiements. C’est ce qu’heureusement les autorités ont compris.
2. Des réponses d’une violence extrême pour éviter la dépression
« A période extraordinaire, action extraordinaire » : marqués par le souvenir douloureux des précédentes crises de 2008-2009 et de 2011-2012, gouvernements et des Banques Centrales du monde entier ont désormais sorti l’artillerie lourde pour enrayer la propagation du risque sanitaire à l’économie.
Plusieurs dispositifs peuvent être distingués :
- Les financements supplémentaires affectés aux services de santé ;
- Les politiques monétaires des banques centrales ;
- Les mesures budgétaires et fiscales des gouvernements.
Alors que les situations sanitaires et économiques évoluent très rapidement, la présente contribution cherche à dresser, à date, un état des lieux des dispositifs économiques décidés ou entrepris dans le monde pour contrer la crise.
- Un soutien financier d’urgence pour vaincre l’épidémie
La première réponse économique à la crise est le soutien pécuniaire exceptionnel accordé aux services de santé afin d’enrayer la pandémie et de limiter la « sur-crise » économique qui devrait découler des pertes d’activité et de confiance. De la sorte, l’Union européenne des 27 a décidé de mettre en place un fonds de 37 milliards d’euros spécifiquement dédié à la lutte contre l’épidémie. Dans une moindre mesure, les Etats-Unis ont fait de même en adoptant une loi de dépenses d’urgence de 8,3 milliards de dollars pour lutter contre la propagation du coronavirus et développer un vaccin. La France va quant à elle, augmenter le budget de la recherche médicale de 5 milliards d’euros sur 10 ans. L’Italie, dont la population est très fortement infectée, a opté pour un financement supplémentaire de son système de santé de l’ordre de 1,15 milliards d’euros et a octroyé 1,5 milliards d’euros supplémentaires pour sa protection civile. Après plusieurs tergiversations, le Royaume-Uni lui-même a décidé d’inclure le soutien aux services de santé à son plan gouvernemental contre l’épidémie, preuve, s’il en est, que l’immunité collective (également dite « de communauté ») pourrait ne pas suffire pour éviter des retombées économiques lourdes…
- Une réponse monétaire plus forte qu’en 2008-2009
Les banques centrales n’ont, quant à elles, pas hésité à réagir, voire même à opposer à la crise des réponses, en termes de politiques monétaires, très déterminées. Au premier rang de ces réponses se trouvent celles de la FED qui a décidé d’injecter 1 500 milliards de dollars dans le REPO, de prolonger son QE de 750 milliards de dollars et a abaissé ses taux directeurs de 125 points de base en très peu de temps (ils se situent désormais dans une fourchette allant de 0 % à -0,25 %).
Du côté de la BCE, sont à noter : l’introduction de 109,1 milliards d’euros de liquidités sur le marché interbancaire pour permettre aux banques de se refinancer et surtout le rachat d’actifs pour 750 milliards d’euros (dont des emprunts grecs, ce qui constitue une nouveauté), soit environ 4 % du PIB de l’UE-27. Même si la lenteur de la réaction de la BCE a été très critiquée, il convient de garder à l’esprit que la contrepartie d’une politique très expansionniste pourrait être un affaiblissement de l’euro dans le contexte économique mondial. La différence de réaction avec la FED s’explique donc surtout par le fait que l’euro n’a pas la même place que le dollar (notamment en tant que monnaie de réserve) et qu’il pourrait sortir durablement affaibli de cette crise.
La Banque d’Angleterre (BoE), quant à elle, a activé très directement le levier du crédit par la mise en place de garanties de prêt pour 330 milliards de livres sterling (soit 12 % du PIB) et de prêts directs à destination des grandes entreprises. Le 19 mars, la BoE a également décidé de porter son programme d’achats d’obligations à 645 milliards de livres.
Dans une logique relativement similaire, la Banque Populaire de Chine a abaissé les taux de réserves obligatoires des banques du pays, ce qui a permis de libérer 550 milliards de yuans (70,3 milliards d’euros) de liquidités pour soutenir l’économie, soit 0,57 % du PIB, et a injecté 100 milliards de yuans (0,1 % du PIB) dans le système financier par l’intermédiaire de prêts à moyens termes.
Enfin, la Banque du Japon (BoJ) prévoit de doubler ses achats d’ETF risqués, de mettre en place des prêts à taux zéro pour permettre aux banques pour relancer le crédit aux entreprises. Le soutien de la BoJ passera aussi par l’achat de fonds d’investissement immobiliers à hauteur de 180 milliards de yens par an ainsi que par l’achat de titres de trésorerie et d’obligations d’entreprises pour 2 000 milliards de yens.
Plus globalement, les banques centrales ont massivement abaissé leurs taux d’intérêt. Pour la seule journée du jeudi 19 mars, il faut noter des abaissements de la part : de la Banque d’Angleterre (à 0,1 %, baisse de 15 points de base), ainsi que les banques centrales d’Afrique-du-Sud (à 5,25 %, soit une baisse de 100 points de base), de Taïwan (à 1,125 %), d’Indonésie (à 4,5 %), des Philippines (à 3,25 %) et d’Australie (à 0,25 %). La veille, le mercredi 18 mars, le Brésil abaissait son principal taux directeur à 3,75 % pour une baisse de 50 points de base, accompagné du Ghana et de l’Islande. Les baisses, parfois importantes ou cumulées, se succèdent donc.
- Un soutien budgétaire sans limite… pour le moment
Des aides budgétaires de grande ampleur ont également été décidées par les gouvernements, en dépit d’un niveau d’endettement public déjà élevé.
Pour les Etats-Unis, il faut noter : un plan de relance budgétaire de 850 milliards de dollars soit (4,2 % du PIB), un chèque de 1 200$ par adulte et 500$ par enfant pour les foyers de moins de 90 000$ de revenus d’ici deux semaines directement aux ménages (ce texte n’a pas encore été voté), des reports d’impôts sans intérêts ni pénalités pour les entreprises et les particuliers afin de libérer 200 milliards de dollars de liquidités supplémentaires pour l’économie et les PME touchées par le coronavirus pourront bénéficier du soutien, en capitaux et liquidités, de la Small Business Administration.
En Europe, l’Allemagne a décidé d’accorder des prêts gouvernementaux aux entreprises pour un montant de 550 milliards d’euros, d’indemniser les travailleurs pendant la crise, de reporter certaines taxes et d’élargir son programme de crédits à l’exportation. La France a adopté un plan de soutien budgétaire aux entreprises et aux salariés d’environ 45 milliards d’euros (1,6 % du PIB) et de garantir pour 300 milliards d’euros de prêts aux entreprises. Le plan de soutien de l’Italie s’élève quant à lui à 25 milliards d’euros maximum (1,2 % du PIB). Le soutien aux entreprises passera aussi par des exonérations de charges (de 20 milliards de livres d’exonération de charges pour les entreprises en difficultés Royaume-Uni), des garanties de prêts de trésorerie (pour l’Espagne, 100 milliards d’euros à destination notamment des PME, soit 7 % du PIB) et des moratoires sur les paiements. Plus spécifiquement, la France et l’Italie ont choisi de soutenir respectivement Air France et Alitalia.
3. Conclusion
Face à l’ampleur du choc en cours, les réponses apportées par les autorités monétaires ou budgétaires sont clairement historiques. Si celles-ci aboutiront à terme à des remises en question profondes de nos modèles de société (la hausse des dettes publiques entrainées par la situation actuelle poussera à s’interroger sur un paradoxe évident : la privatisation des gains en période faste et la collectivisation des pertes en période difficile), elles sont selon nous susceptibles de faire survivre nos économies à l’infarctus actuel, et créent des conditions propices à un retour sur des actifs aujourd’hui décotés, tout en adoptant une démarche d’une sélectivité extrêmement exigeante dans cette période de faible visibilité.
AVERTISSEMENT
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